Conte égrillard vietnamien: "D’une poésie sur le crapaud"
Crapaud en bronze
Trois rimeurs se croyaient vraiment des génies. Ils décidèrent d’aller à la pagode, chanter les plus beaux paysages. Mais l’inspiration leur manquant, ils firent apporter de l’alcool. Les premières rasades réveillèrent les muses. Et comme un crapaud, au coin du portail, venait de sauter, le premier des trois improvisa ces vers :
"Le crapaud de son trou
A sauté au-dehors"
Et le deuxième d’enchaîner :
"Le crapaud au-dehors
Reste assis maintenant"
Puis le dernier de compléter :
Le crapaud reste assis
Avant qu’il ne ressaute ailleurs".
Satisfaits de leur verve, ils se couvrent de fleurs. Puis soudain éclatant en larmes, l’un des rimeurs dit :
- Malheur à nous pour tant de génie ! Les anciens n’ont-ils pas enseigné que les grands poètes meurent jeunes ? Nous allons mourir. C’est certain.
Et tous de s’embrasser en sanglotant très fort. Puis appelant le gardien du temple, ils lui dirent :
- Achetez trois cercueils et vite.
Le gardien revient avec quatre.
- Pourquoi quatre ? dit le premier.
- Messieurs, à vous écouter, j’éprouvais une telle envie de rire que je crains pour moi aussi une mort proche. Aussi, me suis-je permis d’ajouter à vos trois cercueils, un quatrième.